top of page

Magalie Foutrier, illustratrice depuis 10 ans après une reconversion

Paroles d'artistes #1 -


J’ai eu l’énorme chance de pouvoir poser mes questions à Magalie Foutrier pour cette première interview.


Magalie Foutrier est non seulement une illustratrice que j’adore, que ce soit pour son style ou son univers, mais aussi pour son parcours qui m’inspire beaucoup. Après son diplôme d’ingénieur, elle décide finalement de se reconvertir en tant qu’illustratrice. Son témoignage est une pépite et donne de l'espoir aux personnes qui souhaiteraient se lancer.


Encore un énorme merci à elle d’avoir pris le temps de répondre à toutes mes questions.



J’ai vu que tu t’étais rapidement lancée dans cette aventure après ton diplôme d’ingénieur. Avant de te lancer à temps plein, avais-tu déjà reçu des commandes ?


Une fois diplômée, je me suis vite rendue compte que je ne serai pas heureuse et épanouie dans mon métier d’ingénieur… En fait le dessin me manquait beaucoup trop et je n’avais plus assez de temps pour ça. Je me suis alors lancée sans avoir aucune commande. Au début, je me suis fixée comme objectif de dessiner tous les jours pour mon blog de l’époque « Les chroniques illustrées de Magalie » en espérant ainsi me faire repérer.


C’est le blog qui a tout déclenché ! Au bout de 6 mois à l’alimenter quotidiennement, j’ai décroché mon premier contrat.

Et c’est grâce à ton blog que tu t’es faite connaitre ?


C’est exactement ça. C’est le blog qui a tout déclenché ! Au bout de 6 mois à l’alimenter quotidiennement, j’ai décroché mon premier contrat. Une directrice artistique était tombée sur mon blog et m’avait contactée pour réaliser des illustrations pour une publicité publiée dans le magazine Télé Star. Ensuite les contrats se sont enchainés et à chaque fois c’était grâce au blog. C’était une époque merveilleuse où mon rêve de vivre de ma passion se réalisait enfin.


Au moment de te lancer, avais-tu déjà une vision claire des secteurs vers lesquels tu souhaitais aller ? (presse féminine, édition…) et comment souhaitais-tu structurer ton activité ? (commandes, travailler avec une agence, créer une boutique, …)


J’avoue que je me suis lancée sans idée précise de ce que je voulais ! J’étais prête à dessiner pour tous les secteurs. Au niveau du style, j’étais très influencée par le travail de Pénélope Bagieu et Margaux Motin. Donc un registre assez BD et très girly. Quand j’ai commencé à avoir beaucoup de travail, j’ai du me poser un peu plus de questions et faire des choix. Car il est évident que réaliser des illustrations à la chaîne pour un manuel scolaire n’a rien à voir avec réaliser une commande pour une marque de cosmétique. Il fallait que je reste cohérente dans ce que je proposais. Aussi bien en terme de style que de tarifs.


Les commandes te font dessiner avec des contraintes précises, il n’y a pas meilleur exercice pour faire évoluer ton dessin.

Comment t’y es-tu prise pour définir cette « vision » ? Et combien de temps environ cela a-t-il pris ?


En 1 an, j’ai engrangé beaucoup d’expérience car j’ai eu énormément de commandes.

J’ai vraiment tout appris par moi-même, au fil des commandes réalisées. J’ai appris à savoir ce que j’aimais faire et ce qui ne m’apportait rien, à savoir me vendre et définir mes tarifs. En terme de style, j’ai toujours aimé faire évoluer mon travail. Il est clair que pendant cette première année j’ai énormément progressé. Les commandes te font dessiner avec des contraintes précises, il n’y a pas meilleur exercice pour faire évoluer ton dessin.


J’étais très déterminée et je n’ai pas une seule fois raté le réveil, même si au fond rien ne m’y obligeait !

Pourrais-tu me décrire à quoi ressemblait ton quotidien à cette période ?


À mes tout débuts, j’ai intégré un atelier d’artistes dans le centre ville de Tours : l’Atelier Pop. Je m’y rendais tôt le matin et une bonne partie de la journée pour dessiner, essentiellement pour mon blog à l’époque. J’étais très déterminée et je n’ai pas une seule fois raté le réveil, même si au fond rien ne m’y obligeait ! Ensuite, je partais sur mon petit vélo, donner des cours à domicile de maths et de physique à des lycéens histoire de gagner ma croute. C’était une période assez compliquée financièrement.


Comment trouvais-tu l’inspiration pour dessiner régulièrement ?


Au début, je trouvais mon inspiration dans mon quotidien. Je racontais mes petites anecdotes de vie. Je puisais aussi pas mal d’inspiration dans les magazines féminins. Je passais aussi pas mal de temps sur le site de l’Agence d’illustrateurs Virginie (qui deviendrait mon agent un peu plus tard) à admirer les travaux des 40 illustrateurs qu’elle représentait.


Cela fait 10 ans que je suis illustratrice, et j’ai remarqué que de manière cyclique, j’ai des périodes de démotivation, de doute. Cela correspond en fait à des moments où j’ai besoin de faire évoluer mon travail, sortir de ma zone de confort.

As-tu connu des périodes de doute, de démotivation ou de remise en question sur ton projet ?


Au tout début, avant d’avoir ma première commande, je commençais vraiment à me poser des questions… Je n’étais même plus certaine d’avoir envie de dessiner. Tout était très flou. C’est fou car aujourd’hui je n’imagine plus ma vie sans dessin !


Cela fait 10 ans que je suis illustratrice, et j’ai remarqué que de manière cyclique, j’ai des périodes de démotivation, de doute. Cela correspond en fait à des moments où j’ai besoin de faire évoluer mon travail, sortir de ma zone de confort. Aujourd’hui j’ai appris à accueillir ces moments de remise en question et à en sortir le positif mais cela n’a pas toujours été facile. J’ai un rapport au dessin très viscéral, et quand ça ne va pas sur ce plan ma vie sans trouve vraiment impactée. Ce n’est clairement pas un simple métier, c’est plus que ça.


J’ai mis beaucoup de temps à me « trouver » réellement et à être fière de mon travail.

Comment t’es-tu créé ton univers ? Il y a énormément de cohérence dans ton style graphique et les sujets que tu traites. De mon côté, j’ai un problème à me concentrer sur une thématique et j’ai peur de diluer mes efforts pour progresser, en ne me concentrant pas sur un seul sujet.


Mon univers s’est créé au fil du temps. Par exemple, à mes débuts j’avais un style très BD parce que je faisais un peu comme les illustratrices dont j’étais fan. Mais ce n’était pas moi. Ensuite j’ai découvert d’autres styles, d’autres illustrateurs et tout cela m’a nourrie et m’a inspirée. Au fil des commandes, je me suis aussi rendue compte que je prenais beaucoup de plaisir à dessiner pour le secteur du luxe et de la beauté. J’aime les jolies choses, faire rêver et susciter l’émotion. C’est vraiment ce qui guide mon style aujourd’hui. J’ai mis beaucoup de temps à me « trouver » réellement et à être fière de mon travail.


L’illustration, ça existera toujours, on en aura toujours besoin !

Question peut-être trop personnelle, n’hésite pas à me le dire surtout - à partir de combien de temps, après que tu te sois lancée, vivais-tu de ta passion ?


Ce n’est pas un tabou et au contraire j’aimerais que l’on lève un peu le voile sur tout ça. Quand j’ai débuté je ne pensais pas que l’on pouvait vivre du dessin. Je pensais que c’était complètement utopique et qu’à moins d’être hyper célèbre on ne pouvait pas gagner sa vie en dessinant. C’est ce que beaucoup de personnes pensent et bien sûr c’est complètement faux ! Moi j’ai pu en vivre au bout de quelques mois et j’ai rapidement pu me passer des cours de maths (lol). Je peux même dire qu’aujourd’hui je vis très bien de ma passion, aussi bien que si j’étais restée ingénieure. J’ai conscience que ce n’est pas le cas de tous les illustrateurs mais il faut savoir que du travail en illustration il y en a et il y en a beaucoup. L’illustration est utilisée, dans la presse, la publicité, les manuels scolaires, les romans, les notices… Bref, la liste est longue. L’illustration, ça existera toujours, on en aura toujours besoin !


Aujourd’hui, quel est ton processus créatif quand tu reçois une commande d’un client ?


Dans un premier temps le client me fournit un brief, c’est-à-dire un document qui me décrit plus ou moins précisément les illustrations souhaitées. En publicité, je reçois souvent un petit topo sur l’univers de la marque, la cible visée. Suite à cela, j’envoie mes premiers crayonnés. Le client me fait alors ses retours : demande de correction ou d’ajout d’éléments, etc.


Exemple d'avant (1ère) / après (2ème) retours client :

Illustrations non libres de droit - © Playtex 2020

Une fois que nous sommes d’accord sur le crayonné, je passe le dessin au propre et en couleur. À ce stade le client peut encore me demander des corrections sur la couleur ou des ajustements mineurs.


Où vas-tu chercher tes inspirations et tes références pour créer lorsque tu reçois un nouveau projet ?


Mon outil numéro 1, c’est Pinterest. Je dois dire que cette plateforme est une vraie mine d’or pour trouver l’inspiration. En fait, je me demande comment je faisais avant ! Haha ! S’il s’agit d’une commande pour une marque, je m’inspire de l’univers de celle-ci : souvent le compte Insta donne un bon aperçu du ton général. En tout cas je passe énormément de temps à collecter des images à chercher avant de me lancer dans la phase de dessin.


Quand on est illustrateur, on se retrouve facilement isolé dans sa bulle et cela peut-être bien d’avoir ce regard extérieur et averti pour se remettre en question lorsque cela est nécessaire.

À partir de quel moment as-tu commencé à travailler avec une agence ? Et pourquoi ?


Je me suis lancée en mars 2010 et j’ai commencé à travailler avec un agent en juillet 2011. Cet agent c’est Virginie Challamel, avec qui je collabore encore aujourd’hui. Travailler avec un agent permet de déléguer le travail de prospection mais aussi tout l’aspect commercial, c’est-à-dire : négociation des prix, établissement des contrats, etc. L’agent est aussi quelqu’un qui a un regard critique sur le travail de l’illustrateur et peu parfois l’aider à évoluer dans son style. Quand on est illustrateur, on se retrouve facilement isolé dans sa bulle et cela peut-être bien d’avoir ce regard extérieur et averti pour se remettre en question lorsque cela est nécessaire.


L’illustrateur doit se montrer créatif, interpeler et apporter une plus-value à un produit ou à un article de presse. Il ne s’agit pas juste de faire joli. Il faut toujours garder cela à l’esprit.

Quels conseils donnerais-tu à une illustratrice qui ne s’est pas encore totalement trouvée et qui souhaiterait travailler avec une agence ?


Ça ne coûte rien d’essayer ! Bien sûr, il ne s’agit pas de venir avec tous ses dessins sous le bras et de présenter tout et n’importe quoi. Oublions le dessin de Mother Of Dragon en train de planer sur le dos de l’un de ses bébés cracheur de feu. Cela se prépare un minimum. Je conseillerais de se trouver 4 à 5 thématiques et proposer 5 à 6 illustrations pour chacune d’elles. Par exemple : le parfum, un horoscope, la consommation écologique, etc. En gros, montrer qu’on est capable de traiter une thématique donnée en dessin. Et surtout, diversifier les sujets. L’illustrateur doit se montrer créatif, interpeler et apporter une plus-value à un produit ou à un article de presse. Il ne s’agit pas juste de faire joli. Il faut toujours garder cela à l’esprit.


Dessiner TOUS les jours est la règle numéro un pour progresser.

Aurais-tu des exercices ou des habitudes à conseiller pour progresser en dessin ?


Dessiner TOUS les jours est la règle numéro un pour progresser. Ma première année à dessiner tous les jours me l’a prouvé. Ensuite, ne pas hésiter à s’imposer des contraintes. Si tu dessines que des filles, oblige toi à dessiner des hommes. Si tu détestes dessiner des vélos, dessines-en 50. S’inventer des sujets à illustrer est aussi un super exercice. Par exemple, imagine que le magazine Causette te demande d’illustrer une enquête sur la Cup Menstruelle ou sur la charge mentale. Cela va te pousser à dessiner des choses que tu ne dessinerais pas d’habitude.


As-tu des livres, ou même vidéos, que tu recommandes fortement pour progresser en dessin ?


Honnêtement, aucun. Car je n’ai jamais ouvert de livre, ni regardé de tuto. C’est surement très bien de le faire mais j’avoue que je n’ai rien à conseiller.


Question plus « logistique » : aujourd’hui pour réaliser tes projets et tes BDs, sur quels logiciels travailles-tu principalement ?


J’ai longtemps utilisé le logiciel Photoshop avec ma tablette Cintiq de chez Wacom. Depuis deux ans je travaille sur iPad avec l’application Procreate qui est une version simplifiée de Photoshop mais qui est parfaite pour ce que je fais. (Et vachement moins cher ! )


Est-ce que maitriser Adobe Photoshop reste indispensable selon toi pour percer dans ce métier ?


Je pense que cela peut aider de connaître un minimum ce logiciel. Savoir ce qu’est un fichier .PSD, une résolution d’image, un profil CMJN ou RVB… Après Photoshop est un logiciel qui propose énormément de choses mais il n’est pas nécessaire de le maîtriser dans toutes ses fonctionnalités. Moi je dois utiliser 20% de ses fonctions et ça me suffit.


Que penses-tu globalement des évolutions du métier d’illustratrice ?


Je crois vraiment que je manque d’infos à ce sujet pour émettre un avis. J’avoue que je fais mon truc dans mon coin et que je me tiens assez peu au courant de ce qui se passe globalement autour de ma profession. Honte à moi !


Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui se lance et se donne 1 an pour mettre un gros coup de boost à son projet de reconversion ?


Ne pas lésiner sur le travail, dessiner énormément, être présent partout (les réseaux sociaux sont TRÈS importants), regarder ce qui se fait déjà et proposer mieux, en gardant son univers propre bien entendu. ;)


Et j’avais très envie de terminer sur cette question : Quel serait le futur projet de tes rêves ?


Ouh la la, sacré question… Mais je dirais une exposition énorme dans un lieu majestueux à Paris. Le genre d’expo qui t’émerveille, te file la pêche et te fait retomber en enfance !


Si vous souhaitez découvrir davantage l'univers de Magalie, voici où vous pouvez la retrouver :


bottom of page